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Interview : Le Balanin des Noisettes

Pour les hommes, se faire embarquer de force sur une coquille de noix pour y terminer sa vie porte un nom : les galères.

Quand on est balanin des noisettes, c'est l'inverse : la vie commence enfermé dans une coquille de noisette !
...Mais c'est une vraie croisière de plaisance !

Passer son enfance cloitré dans un garde-manger... C'est pas un beau programme ça ? A l'abri des importuns et des courants d'air, j'ai mené au fond de mon coffre-fort une vie de reclus, pour me consacrer corps et âme à ma seule passion : MANGER !
Je n'ai pas mis longtemps à faire du lard, et je suis vite devenu ce vermisseau dodu et grassouillet que vous connaissez, celui-là même qui hante et habite les noisettes fraîches que vous convoitez à la fin de l'été.

En fait, la difficulté de la situation, je ne l'ai perçue que plus tard.

Estimant qu'on est mieux chez soi qu'à l'extérieur quand les températures dégringolent, j'avais initialement le projet d'attendre paisiblement quelques mois, juste le temps que l'hiver arrive et passe, et j'envisageais de ne sortir le bout de mes mandibules qu'au retour du printemps.
Mais dès l'automne, j'ai réalisé ma grossière erreur. Que dis-je, une erreur de taille ! Car j'avais pris tellement de bon temps à m'activer les mandibules sur la tendre chair de la noisette, que j'ai commencé à me sentir à l'étroit dans ma coquille. Et là, ce fut la terrible révélation : à ce train là, jamais je ne pourrais attendre les beaux jours dans un espace devenu si petit.

Si bien qu'à l'automne, j'ai pris ma décision et mon courage à 2 pattes (si seulement j'en avais !) pour quitter cette douce alcôve de mon enfance. Forant le dur bois de la coquille de noisette, je me suis ménagé à force de patience et de mandibules une issue de secours. Mais là encore, je n'étais pas au bout de mes peines : j'ai passé la tête au dehors, ...mais le reste de mon corps, 3 fois plus gros, restait coincé derrière !

J'ai profité de ce grand bol d'air frais pour réfléchir à une solution :
- Agrandir le trou ? Pas possible, je serai mort d'épuisement et de froid avant d'avoir fini la moitié de ce travail de titan.
- Maigrir ? Pas question non plus : je n'ai pas passé ces semaines entières à soigner ma ligne généreuse et rebondie et emmagasiner des précieuses calories pour tout gâcher avec un stupide régime !
- Mais alors..., me direz-vous.

Alors on voit bien que vous n'avez jamais été une larve sans bras ni jambe : c'est moins facile pour gesticuler, mais tellement plus pratique pour jouer les rois de l'évasion ! En m'étirant au mieux, j'arrive à faire passer une petite partie de mes boudins blancs à travers le trou. Puis je fais affluer vers la partie déjà émergée le contenu de la partie encore prisonnière, comme 2 ballons de baudruche qui se videraient l'un dans l'autre. Au fur et à mesure que la partie externe gonfle, la partie encore à l'intérieur de la noisette se dégonfle. Et finalement, après pas mal de contorsions, me voilà libéré.

Libéré, certes... ...mais comment fait-on, quand on est une larve située à plusieurs mètres de hauteur, pour rejoindre le sol ?...

Je n'ai pas eu le temps de trouver la réponse, qui s'est imposée d'elle-même : mon dieu quelle chûte ! Je m'en rapelle encore ! Mais là, surprise, pas une égratignure, pas une bosse, rien : le généreux rembourrage graisseux dont m'a équipé Dame Nature vaut tous les airbags® !
Et l'instant d'après, j'étais déjà en train de m'enterrer vivant, afin de me créer une petite loge à quelques centimètres de profondeur, pour changer de costume et effectuer ma nymphose.
Et c'est effectivement au retour des beaux jours, devenu "Monsieur balanin", que j'ai remis le rostre dehors, pour pavaner à la conquête de demoiselles et de noisettes.


Mais je vois que vous n'avez toujours pas posé cette question qui vous brûle la langue : "A quoi bon ce rostre démesuré ?"


Bonne question, car vous imaginez bien que ce rostre n'est pas uniquement décoratif, même si je n'en suis pas peu fier.
Equipé de mandibules à son extrémité, la femelle s'en sert après l'accouplement pour forer lentement et patiemment un trou dans une noisette presque mûre (et pas encore habitée). Une fois fait, elle retire le rostre, fait demi-tour sur elle-même, et pond un oeuf dans ce même trou à l'aide d'un ovipositeur. Travail long et pénible, si bien que la femelle ne pond au total qu'une trentaine d'oeufs. L'oeuf se retrouve enfermé dans la noisette, au contact d'une amande qui lui servira de nourriture tout au long de son développement. Cette fois, vous savez tout !

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